« Symphonia »
Depuis deux mille ans la question de l’unité des chrétiens, notamment
entre catholiques et orthodoxes, est soulevée par tous ceux qu’une
telle situation perturbe et blesse. Cette question, dans son essence,
interpelle tous ceux qui, au sein de l’association « Amitiés
Catholiques-Orthodoxes de Solesmes », se sont donnés pour
objectif de rapprocher des frères autour de leur Père commun.
Comment
analyser cette situation ? En se plongeant dans l’histoire des
premiers chrétiens. Les dissensions entre eux furent en effet
extrêmement nombreuses, dès que la double mission que le Christ
leur assigna fut reçue : pratiquer l’amour du prochain, et
enseigner toutes les nations. C’est principalement ce dernier
commandement qui créa le débat. Alors que, parmi les premiers
disciples, dans un climat de bouillonnement spirituel, se côtoyaient
avec un même enthousiasme hébreux et hellénistes, mais aussi juifs
judéens et juifs de la diaspora, alors que l’appellation de
« chrétien » venait tout juste de faire son apparition
dans un monde romanisé, le risque de dispersion au mieux,
d’affrontements au pire, était grand.
Or,
pendant près de quatre siècles, les divergences plus pastorales que
doctrinales qui se manifestèrent parfois par des éclatements ne se
traduisirent pas par des ruptures, parce qu’était toujours
présente l’idée que toute dissension devait être réduite le
plus vite possible. D’où le recours constant à l’arbitrage,
principalement lorsque les conflits prenaient un caractère
presbytéral.
Cette
« symphonia » traduisait une volonté assidue de
recherche de l’unité. Une unité qui tenait compte du
bouillonnement spirituel de l’époque, particulièrement à propos
de l’héritage de l’hellénisme. Une « symphonia »
qui reposait sur le fait que les Eglises ne se pensaient qu’au
pluriel. Pour Ignace d’Antioche, aucune n’était d’ailleurs
supérieure aux autres. Si chaque « épiscope » se
sentait maître chez lui, si certains « presbytes »
volaient de leurs propres ailes, l’interdépendance et la communion
entre tous était totale.
Voici rapidement dressé un tableau qui peut sembler idyllique de la
situation des premières communautés chrétiennes, même s’il ne
faut pas oublier qu’un premier schisme est mentionné dans les
Actes des Apôtres, avec Simon le Samaritain. La liste des suivants,
qui se traduisirent souvent par des conflits entre des prêtres et
leurs évêques, jusqu’au premier Concile de Nicée, est bien
connue. On parlera alors d’hérésie, donc d’exclusion de la
communauté. L’idée de réintégration disparaîtra hélas peu à
peu. Nous souffrons tous de cette situation nouvelle.
Cette
évocation peut-être naïve d’une époque que nous avons du mal à
imaginer, tant elle fut singulière, doit nous conforter dans l’idée
que les divergences pastorales et mêmes doctrinales entre les
Eglises chrétiennes d’aujourd’hui peuvent être appréhendées
avec sobriété. Entre catholiques et orthodoxes, d’heureux
processus de rapprochement furent initiés et poursuivis. Avec l’aide
de l’Esprit saint, un jour ou l’autre ils porteront leurs fruits.
Ne soyons ni surpris ni inquiets que les fils d’un même Père
empruntent des voies différentes, pour autant qu’elles soient
guidées par un esprit de charité et de recherche de la vérité.
Le Président de l'ACOS