Le message du Président - Déc 2019 - Jan 2020
Quels enseignements tirer du Traité sur « l’Unité de l’Eglise » de Cyprien de Carthage ?
Le « De ecclesiae catholicae unitate » que l’on doit à Cyprien de Carthage est vers le milieu du IIIè siècle le premier texte connu après les Ecritures Saintes traitant de l’Unité de l’Eglise et des conditions pour y revenir.
Rappelons un préalable qui est qu’à l’époque de Cyprien, l’Eglise était menacée de l’intérieur. Des chrétiens avaient renié leur baptême et leur foi et avait trahi l’Eglise pour échapper à la persécution de Dèce. Face à cette dissidence intérieure, Cyprien criait sa souffrance et en appelait à la vérité de la foi. Dans le « De Unitate », il précise que « l’Eglise vit de la Charité du Christ qui a commandé « de ne faire subir au pacte de l’amour et de la charité ni altération ni violence ».
Assez rapidement, il s’ouvre sur le sacrement épiscopal. « L’Episcopat, écrit-il, est « Un » et chaque évêque en tient une partie en indivision….Les rayons du soleil sont multiples mais sa lumière est unique ». De même l’Eglise est « Une », mais devient multitude en s’étendant. Elle s’agrandit au fil du temps mais se trouve toujours en lutte pour se transformer et se convertir. Elle appelle les fidèles à faire de même pour rester « Une » ; pourtant, les baptisés sont nombreux à oublier les appels de l’Evangile et à trahir, laissant ainsi entrer la division dans la demeure de Dieu.
Cyprien débute son « traité » par un appel à la prudence face à l’ennemi qui se déguise pour se glisser en rampant. Cet ennemi prend la forme du serpent. Aussi l’évêque de Carthage nous appelle-t-il à « mettre nos pas dans ceux du Christ…pour prendre possession de l’immortalité »…. « Si vous faites ce que je vous commande, je ne vous déclare plus serviteurs ». L’ennemi rampant auquel Cyprien fait allusion est « l’inventeur des dissidences et des schismes pour ruiner la foi, altérer la Vérité et briser l’unité ». Les êtres de cette engeance « font passer la nuit pour le jour, le trépas pour le salut, la renonciation à tout espoir, sous le voile de l’espérance, l’infidélité sous le manteau de la foi, l’Antichrist sous l’appellation de Christ ». Ainsi avec des mensonges qui ont la couleur du vrai « ils changent astucieusement la vérité en illusion ». Voilà ce qui arrive lorsqu’on ne remonte pas à l’origine de la vérité, qu’on ne recherche pas sa source, qu’on ne garde pas l’enseignement du maître céleste.
Dans son traité, Cyprien s’appuie également sur Saint Paul qui enseigne la doctrine et le mystère de l’Unité : L’Eglise est « un seul corps et un seul esprit ». Elle est l’épouse du Christ ; or « on ne peut avoir Dieu pour Père si nous n’avons pas l’Eglise pour mère ».
Pour l’évêque de Carthage, « celui qui ne garde pas l’unité, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint étant « Un », ne garde pas la loi de Dieu et ne garde guère plus la foi au Père, ni au Père et au fils ensemble; il ne garde ni la vie ni le Salut ».
Cyprien a le génie de retenir l’image de la tunique du Seigneur pour illustrer l’unité. « La Tunique de Jésus-Christ n’est ni partagée ni déchirée ; seul un tirage au sort du vêtement décide de celui qui doit revêtir le Christ….En effet, le Christ portait sur lui l’unité qui vient du haut, c’est-à-dire du « ciel et du Père »….Il ne peut être en possession de l’habit du Christ, celui qui déchire et partage l’Eglise du Christ ». Par le mystère et le signe de son vêtement, le Christ met en lumière l’unité de l’Eglise.
Une autre image très parlante du « De ecclesiae catholicae unitate » est celle de la Colombe. Elle nous introduit dans l’esprit que doit entretenir le vrai confesseur. Il est dit : « C’est pour l’unité que l’Esprit-Saint est venu sous la forme d’une colombe. Il s’agit d’un animal sans malice et joyeux qui ne connaît ni l’amertume du fiel, ni la cruauté des morsures, ni la brutalité des griffes qui lacèrent ; il aime le gîte que lui offrent les hommes….dans leurs déplacements, ils se tiennent étroitement unis en vol : ils passent leur vie dans une commune intimité, en se becquetant ; ils manifestent leur entente dans la paix, en tout ils observent la loi d’un parfait accord ». Voici conclue-t-il, comment dans l’Eglise, il faut ignorer toute malice, comment il faut y entretenir la charité : en imitant les colombes dans l’amour entre frères, en égalant les agneaux et les brebis pour la docilité et la douceur.
Au sujet de la prière, Cyprien de Carthage écrit qu’afin que la prière puisse monter, le priant doit garder l’unité : « Et quand vous vous tiendrez debout pour prier, remettez tout grief que vous avez contre quelqu’un pour que votre Père qui est au cieux vous remette lui aussi vos péchés ». N’est-ce pas là l’attitude que catholiques et orthodoxes doivent adopter avant d’entrer dans la semaine de prière pour l’unité ?
Cyprien rappelle que le « Christ qui nous a donné la paix nous a aussi recommandé de ne faire subir au pacte de l’amour et de la charité ni altération, ni violence. On ne peut se prétendre martyr si on n’a pas gardé la charité qui unit les frères ».
Concluons à présent sur un thème que l’on peut percevoir comme d’actualité. C’est, de la part de Cyprien de Carthage, comme une sorte de condamnation du « relativisme » puisque l’évêque Cyprien nous met en garde contre ceux qui rejettent la tradition venue de Dieu pour rechercher des enseignements d’origine profane qui font appel à des autorités d’Institution humaine : « Vous rejetez le commandement de Dieu pour installer votre tradition à vous ». En effet « avoir confessé sa foi ne met pas à l’abri des embûches de l’ennemi et du diable ». « Si c’est un confesseur, dit-il, qu’il soit humble et paisible, qu’il se montre dans son comportement réservé, en même temps que discipliné, en sorte que celui qu’on appelle confesseur du Christ imite le Christ qu’il confesse » : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ».
La position de Cyprien de Carthage sur l’unité est désormais claire : « Dieu est un, dit-il, le Christ est un, une est son Eglise et une la foi, et de même le peuple lié par le ciment de la concorde pour réaliser l’unité indivisible du corps ».
Le Président de l'ACOS
Source des extraits : Ils sont tirés de l'Unité de l'Eglise, Cyprien de Carthage, Sources chrétiennes, 2006, 350 pp. Langue originale : Latin.